Jumong, the book of three Han.

jumong the bookJumong. (tous les noms cités sont francisés pour une meilleure compréhension)  

Aujourd’hui, je vais vous parler d’histoire, ou disons plutôt… de légende, la légende du roi Jumong. Un mot d’explication pour ceux qui auront la patience de me lire, car, déjà que l’immense majorité ne connait plus rien à l’histoire de France, alors celle de la Corée, je vous laisse imaginer… Jumong, donc, pour les coréens, c’est à la fois Clovis, Charlemagne, Louis XIV, Napoléon et De Gaulle qui aurait épousé la petite fille de Bruce Lee. Il a vécu au début de notre ère et a unifié le pays libéré de Han (la Chine). C’est lui qui aurait monté la fameuse licorne dont les archéologues nord-coréens ont officiellement annoncé la découverte de la tanière il y a quelques mois et dont ce site vous a parlé (http://lcbr2.com/2013/02/04/les-licornes-ca-nexiste-pas-ben-si-voyons/ ).

La licorne de Jumong

Le retour des licornes….

Là, ce n’est plus de la légende mais de la paranoïa ; Je vois d’ici la tête des archéologues obligés de se prêter à une telle pitrerie ! Pourquoi je vous parle de Jumong ? Vous l’aurez deviné, c’est parce que j’ai été énervé ! Et rien ne m’énerve plus que la bêtise de masse et ses manifestations repeintes aux couleurs d’une soi-disant culture mondialisée avec l’aval et la complicité des journalistes de notre brillante télévision d’état. Pour une fois elle nous parlait de la Corée du sud et quel exemple choisit-elle pour illustrer son rayonnement culturel ? Je vous le donne en mille : le chanteur Psy et ses improbables pitreries sous prétexte que la plus lamentable de ses gesticulations mélopées a été visionnée des centaines de millions de fois. Elle aurait pu choisir de nous parler de la chanteuse Youn Sun Nah, une pure merveille vocale du jazz et qui parle le français mieux que beaucoup de présentateurs. Voilà un vrai produit culturel de la mondialisation.

Non ; il nous a parlé de monsieur Psy. (ndr: petite précision, Monsieur l’Énervé parle des commentaires télé (TF1 – France Télévsion – M6 – et les radios qui ont fait passé Monsieur Psy pour un produit marketing inventé de toute pièce pour faire de l’audience, alors que cet artiste (qu’on aime ou pas) chante depuis de nombreuses années et a plusieurs albums à son actif))

scène

Psy en concert

Voilà pourquoi je vais vous parler d’une autre forme d’expression de la culture coréenne que vous ne risquez pas de voir sur nos écrans car ce n’est généralement ni grotesque, ni vulgaire : le drama et en particuliers le drama historique, une spécialité du pays. Et pour commencer, du plus emblématique de tous : Jumong. Jumong, donc, un drama historique en 81 épisodes avec deux suites qui doublent la mise.

En guise de mise en bouche je vous précise que je n’ai jamais vu un truc aussi mal ficelé. La pauvreté des moyens humains est patente. Des batailles supposées rassembler d’immenses armées se résument au choc de quelques dizaines de figurants ; ces mêmes armées en marche s’étirent sur cent mètres, les réalisateurs ne cherchant même pas l’artifice d’un défilé en boucle et exposant  l’ensemble de cette misère de moyens avec  un panoramique qui ne cache rien. Je ne peux pas reprocher aux réalisateurs certains anachronismes comme les étriers qui ne seront inventés que six ou sept siècles plus tard car les acteurs passent une grande partie de leur temps à cheval. On boit beaucoup (sauf les femmes), on se croirait dans Dallas. Sur certaines tables préparées, j’ai remarqué ce qui me semble bien être des tomates en tranche alors que la tomate était parfaitement inconnue à l’époque ; elle ne sera importée en Europe qu’au 16ième siècle en provenance d’Amérique du sud. A remarquer également : les bottes aux semelles de caoutchouc moulées. Le produit est bien évidemment inconnu en Asie à cette époque, la technique également bien sûr. Un point qu’il faudra que j’éclaircisse : ces gens semblent ignorer le  baudrier car ils ont toujours l’épée à la main, même en selle.   Ils encouragent en permanence leur monture en criant, ce qui fait que leurs chevauchées ressemblent plus à un match de tennis féminin à Roland Garros qu’à un remake de « la chevauchée fantastique ». Des déplacements qui devraient durer plusieurs jours, voire plusieurs semaines étant donné les moyens de locomotion de l’époque, se font en quelques heures à la vitesse du TGV. Des explosifs censés terroriser l’adversaire sont de ridicules pétards d’enfant. Par moment, on est à la limite du ridicule. Un prince, champion d’arts martiaux, se laisse ridiculement rosser par trois serveurs de bar qu’il devrait normalement massacrer en deux secondes. Le sous titrage n’échappe pas aux fautes de français, d’orthographe et même à la simple erreur de frappe. On décèle les erreurs de traduction et les contresens. Les prêtresses sont transformées en sorcières, ce qui est peut-être une traduction mot à mot mais qui est une erreur dans la compréhension des personnages.  Rappelons simplement que ce travail est fait par des amateurs au sens noble du terme sur leur temps libre et j’ai plus envie de les remercier que de les critiquer car ces petites pépites ne seraient pas accessibles sans leur dévouement et leur travail.

Lieu de tournage : Cheoin-gu

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La série a été produite par MBC dans sa région (en rouge) (en 2006), comme beaucoup de dramas historiques en Corée.

ainsi qu’à Naju, plus bas en Corée.

Et tout ce fatras, ça donne quoi ? Eh bien, ça donne un petit chef d’œuvre. Car je l’ai vu, revu et re-revu. Comment un tel amas d’erreurs peut ne pas lasser le spectateur? Pour commencer, il n’y a aucune erreur de casting et les acteurs sont parfaits dans le rôle qui leur est assigné : les bons ont des têtes de bons et les traîtres des têtes de traîtres. Et ces acteurs sont tous fantastiques ; ils vivent les situations, ils sont le personnage, rien n’est surfait ni outré. Même les scènes de pantalonnade s’intègrent parfaitement. Ils hurlent leur enthousiasme à la création de leur état libre ; leur chagrin vous broie le cœur et leur haine déborde de l’écran. On sent que la situation leur parle et que cette épopée est la leur et celle de leur peuple. Il est vrai que la trame historique sert de prétexte à un manifeste qui parle évidemment aux coréens. jumong En effet, le sujet est la libération des populations mises en esclavage par les Han (la Chine) et leur fédération pour recréer une nation unifiée. On voit immédiatement l’analogie avec la situation actuelle du pays. Ils excellent dans ce qu’ils ont à faire : monter à cheval, mais aussi maîtriser toutes les armes et les arts martiaux. Les combats, surtout individuels sont merveilleusement réglés et on plonge dans l’ambiance dès les premières minutes du premier épisode grâce à ce qui est sans doute le plus beau duel des 81 épisodes. Tous les genres sont là : l’épopée, l’amour ; la comédie, la guerre, le western. L’allusion à Zorro est évidente dans les plans où Jumong cabre son cheval, on cherche Fernando. Il y a bien ce que j’appelle les scènes karaoké assez insupportables dans lesquelles un chanteur ou une chanteuse clame l’amour ou le désespoir des héros pendant que défilent les paroles. Ce doit être typiquement coréen et il faut bien faire avec. Le surnaturel n’intervient quasiment pas et reste même crédible.

Samjoko

Sam-jok-oh

Il y a des situations et des relations incompréhensibles : ces gens qui se vénèrent et se respectent d’une manière incroyable dans notre mentalité moderne cherchent sans cesse à s’assassiner entre eux et à massacrer pères, frères , maris, oncles, tantes et fils en oubliant tout cinq minutes après… pour recommencer à l’épisode suivant. Tout cela n’explique pas que ce feuilleton nous accroche à ce point, nous occidentaux. A mon avis, cela tient à une conjonction de hasards qui s’est réalisée à l’insu des créateurs. Tout d’abord il y a les grands mythes de l’histoire et de la littérature qui sont là et  dont nous voyons ainsi qu’ils sont universels et qu’ils inspirent l’homme partout et à toutes les époques. Jumong se traduit chez nous par Spartacus. Prenons les personnages un par un. Jumong tout d’abord est l’expression d’un destin réalisé.

Jumong

Jumong

Il commence très mal dans la vie uniquement préoccupé par les femmes et il devra donc parcourir le lent chemin des épreuves engendrées par son immaturité et d’une prise de conscience de ce que les dieux attendent de lui. Shoshuno (ndr: So Seo-no) ensuite, jeune fille arrogante, bien plus mure que Jumong mais qui devra elle aussi apprendre à maîtriser et mériter le destin qui lui est assigné.

So Seo-no dans les bras de Jumong

So Seo-no dans les bras de Jumong

Entre ces deux-là, nous aurons l’illustration de l’amour fou qui réunit deux êtres prédestinés et dont la liaison tient de Roméo et Juliette et d’Héloïse et Abélard.

Notons que, à part un très fugitif moment où on aperçoit une prostituée au lit (mais très décemment vêtue d’une ample chemise qui ne laisse rien voir de son anatomie intime) les scènes d’amour les plus torrides consistent à serrer le partenaire dans ses bras avec ou sans armure d’ailleurs (oh votre majesté !… Non, c’est mon poignard !) en déposant, audace insensée, un chaste baiser sur ses cheveux. On finit par comprendre que leurs enfants doivent naître dans des roses ou des choux. Et puis voici les Pieds Nickelés ou les Trois Mousquetaires, au choix, les fidèles lieutenants de Jumong, truands reconvertis qui deviendront princes mais qui auront bien du mal malgré leur fidélité et leur admiration à comprendre le but qu’il vise, tout empêtrés qu’ils sont dans leurs habitudes. Parmi ses trois là, un personnage surprenant dans une épopée coréenne : c’est le colosse du groupe à la force herculéenne qui tient plus de l’éthiopien par son teint foncé et ses cheveux crépus que de l’asiatique courant. Il y a une tradition au Japon et sans doute en Corée qui dit qu’un bon guerrier doit avoir du sang noir dans ses veines, souvenir d’une époque où des populations noires coexistaient dans ses régions avec les jaunes. Vers la fin, en devenant respectable, il se fera lisser les cheveux. Nous aurons également dans le genre surprenant une histoire d’amour homosexuelle parfaitement assumée et intégrée. Et puis les méchants, et pour commencer Daeso, demi-frère de Jumong qui ne supporte pas la préférence que son père montre envers Jumong et qui ne poursuit qu’une ambition : devenir prince héritier et qui est prêt à tout pour cela, même à trahir sa patrie pourvu que le pouvoir tombe entre ses mains. Pour pimenter la situation, il tombe évidemment amoureux de Shoshuno, ce qui lui donne une raison de plus de détester Jumong.

Daseo

Daeso

Et son frère cadet Yungpo, également en compétition avec Jumong et qui ne rêve que d’une chose : devenir calife à la place du calife et supplanter son frère ainé. Evidemment, tous ses complots foirent lamentablement. C’est Yznogoud en Corée. Et puis…et puis… mais il y en a trop, tous aussi incohérents les uns que les autres mais tous aussi attachants. Mopalmo en particulier, chef forgeron qui cherche pour Jumong le secret de la fabrication de l’acier, monopole des terribles Han et de leur armée de fer. Il est tout dévoué à son prince qu’il a connu tout petit.  C’est un vieil ivrogne qui fait équipe avec le maitre d’arme Mopalmo, tout aussi buveur que lui et perpétuellement entre deux gueules de bois. Haemosu, le père de Jumong qui échouera à réaliser son rêve pour cause de sentimentalisme. Le roi Kumwa ami de Haemosu qui accueillera et protègera comme concubine la mère de Jumong dont il est amoureux mais qui trahira tous ses idéaux de jeunesse à cause de cet amour. C’est cela la réussite qui nous envoute : c’est que dans ce drama mal foutu sont en jeux toutes les forces individuelles et collectives inconscientes qui nous habitent et qui tissent notre destin et celui de l’humanité de toute éternité. Bref, à vous d’aller projeter votre propre rêve dans cette série mais n’oubliez pas la grande leçon qui s’y développe : chacun a son destin et sa mission à réaliser, aussi humbles qu’ils soient. Ce destin ne peut être égoïste et doit être au service de la collectivité et de l’avenir. Si les sentiments sont légitimes, il ne peut être question qu’ils empiètent sur le but à atteindre car notre destin est plus grand que nous. Se soumettre au sentimentalisme, c’est tomber dans un piège. Aïe, aïe, aïe, Rousseau !… Allez, je vais m’en faire un petit épisode pour me calmer.

L’Énervé. vil-ordi

Nous aussi, nous allons regarder quelques vidéos du tournage (attention, il y a quelques petits « spoilers » dans le clip et le doc)

 

MAJ du 19/10/2014:

Documentaire sur le tournage de Jumong en vostfr.

Merci à « red01virago » d’avoir remis en ligne la vidéo avec les stfr, que voici:

http://dai.ly/x268a88

Voici quelques costumes traditionnels:

Si vous souhaitez l’acheter, et bien il n’y a pas d’édition en France, ni en Europe. Et je dis que quelque chose ne tourne pas rond chez les éditeurs qui rencontrent pourtant un grand succès avec les films Coréens. Le pire, c’est que MBC a des accords avec TF1, Canal + et France télévisions !! Les téléchargements illégaux (mais en fait légaux puisque pas de distribution ni d’éditeur chez nous) se font par milliers. Messieurs les éditeurs, quand les temps sont durs, il faut aller dans les petites niches, c’est plein de bonnes surprises et de fans qui n’attendent que ça… Bref il faudra aller aux USA pour avoir une version avec des sous-titres Anglais, et posséder un lecteur zone A. Exemple:

jumong bluray

Jumong en blu ray (version uncut et du 1er au 81ème épisode)
envie de connaitre le prix ?? cliquez sur la photo

Si vous avez peur de cliquer (lien Yesasia) le coffret coûte (au moment ou j’écris) 654.75$ (490€). Il existe des versions DVD moins chers. Voilà, il est temps d’aller regarder cette pépite Coréenne, et si vous devenez un peu ou beaucoup « fan », sachez qu’il y a plusieurs suites… mais c’est une autre histoire. On se quitte en photos et en notation….

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